Incendie de ND de Paris : comment les pompiers priorisent les actions de secours ?

Feu Notre Dame de Paris
Crédit photo d’illustration © Maxppp – GAEL DUPRET

Quelques minutes après que se soit déclaré le terrible incendie de l’emblématique cathédrale Notre Dame de Paris, on pouvait déjà assister en temps réel à ce dramatique spectacle, grâce aux éditions spéciales immédiatement mise en place sur les chaines TV ainsi qu’aux multiples publications sur les réseaux sociaux. Parmi les témoignages on pouvait entendre ou lire des interrogations du genre « mais qu’attendent les pompiers pour éteindre le feu ? » ou encore les conseils du célèbre expert en lutte contre les incendies Donald Trump « il faut agir vite, envoyez les canadairs ». Décryptage de la situation.

Tout d’abord, sachez que je n’ai aucune information particulière sur la façon dont s’est déroulée l’intervention des sapeurs-pompiers de Paris, uniquement celles fournies par les médias.

Je précise également que je ne suis pas un expert averti en lutte contre les incendies, mais avec 15 ans de pompier volontaire, j’ai quand même quelques connaissances sur le sujet.

Rappelons que les missions des sapeurs-pompiers, par ordre de priorité sont : la protection des personnes et des animaux, des biens et de l’environnement.

Pour assurer ces missions, chaque intervention des sapeurs pompiers pour feu s’organise de la même façon, on appelle ça la Marche Générale des Opérations, elle est composée de plusieurs étapes listées ci-dessous.

Marche Générale des Opérations

Reconnaissance

Il s’agit d’évaluer la situation dès l’arrivée des premières équipes de secours. C’est à dire :

  • Que se passe-t-il ? Et bien là, apparemment dès l’arrivée des secours, embrasement quasi-généralisé de la toiture.
  • Y a-t-il des personnes à sauver ou à mettre en sécurité ? Compte tenu de l’étendue et de la fréquentation du site, on imagine bien qu’il va falloir un peu de temps pour s’assurer qu’il n’y a plus personne à l’intérieur, ni visiteur, ni personnel, ni ouvrier sur les échafaudages… Et pourtant c’est bien la première action à entreprendre avant même de penser à comment on va éteindre ce méga flambard.
  • Quels sont les risques ? De propagation, d’effondrement… Quel périmètre de sécurité faut-il mettre en place ? Compte tenu du contexte actuel, on peut ajouter aussi le risque lié au terrorisme : s’agit-il d’un incendie volontaire, y a-t-il des assaillants sur le site ?
  • Comment le sinistre va-t-il évoluer ? En fonction du vent, de l’intensité du feu, des matériaux concernés…

Cette étape de reconnaissance est primordiale pour décider des actions à engager en priorité, pour anticiper la montée en puissance des moyens de secours, et va se poursuivre jusqu’à la fin de l’intervention.

Sauvetages

Si la reconnaissance a établi que des victimes sont en danger, la priorité sera donc de procéder aux sauvetages, avec les moyens adaptés : engagement de personnel à l’intérieur, mise en oeuvre d’échelles à coulisse, échelles à crochet, échelles aériennes, dispositifs d’évacuation avec des lots de sauvetage, etc…

Sauf erreur de ma part, le bilan actuel de ce sinistre ne fait état d’aucune victime, ni de sauvetage humain.

Il est possible en revanche que les œuvres d’art qui ont été sauvées, comme la tunique de Saint Louis et la Couronne d’épines, l’ai été pendant cette phase, en début d’intervention, compte tenu de leur valeur inestimable.

Etablissements

Une fois les sauvetages effectués, ou de manière simultanée si les moyens sur place le permettent, on définit une stratégie d’attaque et on établit les moyens d’extinction en fonction de celle-ci. Pour faire simple, on décide de mettre des lances à des endroits stratégiques, on déroule des tuyaux et on alimente les engins pompes sur les poteaux incendie.

Attaque

Encore une fois, la stratégie d’attaque va dépendre des moyens disponibles au moment où on établit. Dans le cas d’un incendie d’une telle ampleur, la priorité va être de « sauver ce qui est encore sauvable ». C’est à dire de limiter la propagation de l’incendie, par exemple en arrosant les parties encore saines de l’édifice qui sont menacées à court terme par la progression de l’incendie. Soit au moyen de lances montées sur échelles aériennes, soit comme cela a été le cas apparemment pour sauver les deux tours du bâtiment, en engageant du personnel à l’intérieur, après avoir évalué les risques encourus.

C’est généralement lorsque les renforts sont suffisants que l’on va s’attaquer au feu à proprement parler, une fois qu’on a la capacité de lutter efficacement contre celui-ci.

Il me semble que ce sont jusqu’à 18 lances et 500 sapeurs pompiers qui luttaient simultanément contre le feu à l’apogée de cette phase d’attaque.

Protection / Déblai / Surveillance

Une fois le feu éteint, il va s’agir de sécuriser le site contre tout risque d’effondrement et de reprise de feu. Pour cela de longues phases de déblai qui consistent a évacuer les gravats et structures ravagés par les flammes, et à éteindre les derniers foyers résiduels vont se dérouler pendant, on peut supposer sur cette intervention, plusieurs jours encore.

 

Et pourquoi pas les Canadair alors ?

Pour plusieurs raisons cher Donald :

  • Déjà, les délais d’intervention : les avions bombardiers d’eau sont stratégiquement basés dans le sud de la France, là où les feux de forêts ont le plus de probabilité de se déclarer. Et le temps d’arriver à Paris, il aurait fait nuit, or ces avions ne sont a priori pas autorisés à intervenir de nuit.
  • La difficulté à se ravitailler en eau :  pour écoper, les avions ont besoin de vaste étendue d’eau, ce qui n’est pas forcément évident à trouver en région parisienne.
  • Les risques de dommages collatéraux lors des bombardement d’eau : car on imagine assez bien les dégâts que peuvent provoquer 6000 L d’eau largués à quelques centaines de mètres d’altitude, d’une part sur la structure déjà endommagée de la cathédrale, mais surtout sur les personnels engagés au sol, ainsi que sur les bâtiments et infrastructures à proximité.

Donc oui il fallait agir vite Mr Trump, mais non les avions bombardiers d’eau, ce n’était pas une bonne idée !

Pour conclure, certes les délais d’intervention paraissent souvent long pour les témoins, avec le temps d’arriver sur les lieux, d’analyser la situation, de demander les renforts, procéder au sauvetage, pour ensuite s’attaque au feu, mais une bonne phase d’analyse est décisive pour le déroulement de l’intervention qui en découle.

Et pour finir sur une note positive, on ne peut que se féliciter de la rapidité, l’efficacité et la réponse opérationnelle exceptionnelle de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui a su préserver en bonne partie cet édifice.

(Crédit photo d’illustration © Maxppp – GAEL DUPRET)

Si cet article vous a plu, merci de lui attribuer une bonne note juste en dessous, Google adore ça !

5/5 - (5 votes)

1 commentaire

  1. Excellent article !

    Bonne continuation dans l’explication du déroulement des secours qui sont souvent mal jugés dû aux situations forte en émotions et parfois dramatiques !

    Merci

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *